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Règlement collectif de dettes et amendes pénales : quoi de neuf ?

Publié le : 14 novembre 2016

Vous n’ignorez plus que depuis le 18 avril 2014, les amendes pénales ne peuvent plus faire l’objet d’une remise de dettes, ni dans le cadre d’un plan amiable, ni dans celui d’un plan judiciaire. Seul le Roi est habilité en vertu de l’article 110 de la Constitution à remettre les peines. [1]

Cependant, plusieurs questions restaient en suspens.

1. La première consistait à déterminer ce que visaient « les amendes pénales » : visait-on l’amende en tant que telle ou également les frais de justice et la contribution au fonds d’aide des victimes d’actes intentionnels de violence ?

Les jurisprudences de Liège et de Louvain s’étaient prononcées pour une interprétation extensive de la notion d’amendes pénales, englobant en tout cas les frais de justice.

La jurisprudence de Bruxelles prend par contre clairement le contrepied puisque les magistrats à quatre reprises au moins [2] , ont confirmé que seules les amendes pénales en tant que telles ne pouvaient pas faire l’objet d’une remise de dettes, à l’exclusion donc des frais de justice et de la contribution au Fonds.

Les magistrats bruxellois considèrent en effet que seule l’amende entre dans la classification des peines visées par l’al. 5 de l’art. 464/1, §8 du CIC.

La condamnation aux frais de justice en matière pénale constitue une sanction d’ordre civil qui ne peut dès lors faire l’objet d’une mesure de grâce. La contribution au Fonds, quant à elle, est de nature sui generis et ne constitue pas une peine. Par conséquent, la grâce royale n’est pas nécessaire pour bénéficier d’une remise ou d’une déduction de ces condamnations accessoires.

2. On attendait également avec impatience la réponse de la Cour constitutionnelle à la question préjudicielle que lui avait posée la Cour du Travail d’Anvers, s’agissant de l’absence de dispositions transitoires quant à l’entrée en vigueur des articles 464/1, §8 du Code d’instruction criminelle (interdiction de remettre les amendes pénales) et 1675/13, §1er du Code judiciaire (interdiction de remise des dettes alimentaires échues).

La Cour du Travail d’Anvers avait en effet interrogé, en mai 2015, la Cour Constitutionnelle pour savoir si le fait que les dispositions litigieuses s’appliquaient aux procédures de RCD en cours au moment de leur entrée en vigueur, n’était pas anticonstitutionnel dans la mesure où l’absence de mesure transitoire ferait perdre « subitement », la possibilité d’obtenir une remise des amendes pénales et des dettes alimentaires échues avant l’admissibilité et créerait une discrimination injustifiée entre les personnes dont le RCD est toujours en cours et celles qui ont obtenu un jugement avant l’entrée en vigueur de la loi et qui ont donc pu obtenir une remise des amendes pénales et alimentaires.

La Cour Constitutionnelle, dans son arrêt du 22 septembre 2016 [3] , a conclu à l’absence de discrimination sur base du raisonnement suivant :

Lorsque le législateur estime qu’un changement de politique s’impose, il peut lui donner un effet immédiat et n’est pas tenu en principe de prévoir un régime transitoire. La Constitution n’est violée que si l’absence de régime transitoire entraîne une différence de traitement non susceptible de justification raisonnable ou s’il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime à l’égard d’un avantage qui pouvait être obtenu dans un délai déterminé.

Or, en l’espèce, même avant l’entrée en vigueur des dispositions litigieuses, le juge disposant d’un très large pouvoir d’appréciation, n’était pas tenu d’accorder une remise de dettes. Par ailleurs, pendant la procédure pouvaient se produire des évènements qui obligeaient le juge à réviser ou révoquer le plan de règlement initial. Partant, il ne saurait y avoir d’atteinte au principe de confiance puisque le débiteur ne savait pas à l’avance s’il allait pouvoir bénéficier ou non, d’une remise et si celle-ci serait ou non révoquée/révisée.

La Cour précise par ailleurs que la remise d’amendes pénales reste possible sur la base de l’article 110 de la Constitution qui s’applique de manière égale à tous les justiciables.


  1. Voir article 464/1§8 du Code d’instruction criminelle.
  2. TT de Bruxelles (20ème ch.), 18 février 2016, n° de rôle 14/334/B, www.juridat.just.fgov.be ; TT Bruxelles (21ème ch.), 28 avril 2016, n° de rôle 14/441/B, www.juridat.just.fgov.be ; TT Bruxelles (20ème ch.), 4 juillet 2016 ; numéro de rôle 13/1027/B, www.juridat.just.fgov.be ; Cour du Travail de Bruxelles, 10 mai 2016, RG 2016/AB/173, inédit.
  3. Arrêt n° 119/2016 du 22 septembre 2016.